Fonction RH : grandes transformations & futurs enjeux
Alors que la technologie joue un rôle majeur au sein des organisations, la fonction RH est à l’aube d’une révolution, propulsée par l’intelligence artificielle.
Intelligence Artificielle, Réalité Virtuelle, Blockchain : anticiper les mutations technologiques
Cet article, synthèse de la conférence organisée par Upward en compagnie de Jérémy Lamri, CEO de Tomorrow Theory et Co-Fondateur du Lab-RH, explore l’avenir de la gestion des ressources humaines à l’ère numérique, avec un accent particulier sur l’intelligence artificielle (IA).
- Comment cette vague technologique redéfinit-elle les contours de la gestion des talents, de l’acquisition à la fidélisation ?
- Quels nouveaux enjeux émergent et comment s’y adapter ?
- Comment la technologie peut-elle être l’alliée des directions des ressources humaines dans la construction d’un avenir plus résilient et humain ?
En reconnaissant que la gestion des talents est devenue une composante stratégique vitale pour les organisations, découvrez comment l’intégration de technologies avancées redéfinit le rôle et les pratiques de la fonction RH et comment cette technologie va métamorphoser le monde du travail.
Vous souhaitez en savoir plus et échanger avec nos experts ?
L'intelligence artificielle
Une technologie moins récente qu’il n’y parait
Si elle a pris une ampleur quasi démesurée au cours des 12 derniers mois, la présence de la technologie – et plus précisément de l’IA – dans les métiers RH n’est pas apparue en même temps que ChatGPT.
Déjà en 2015, Amazon expérimentait l’IA pour fluidifier et accélérer ses processus de recrutement. L’algorithme développé par la firme américaine avait analysé les recrutements effectués par l’entreprise au cours des 20 années précédentes avec pour but d’analyser et filtrer automatiquement les nouvelles candidatures reçues. Après deux ans d’expérimentation de cette IA, l’entreprise a fini par réaliser qu’elle embauchait 70% d’hommes, comme au cours des 20 années précédentes. L’intelligence artificielle ayant appris des anciennes pratiques de l’entreprise, elle reproduisait les mêmes schémas.
La particularité de l’intelligence artificielle réside ici : elle doit être entrainée en utilisant les expériences du passé pour être efficiente. En d’autres termes, elle prédit l’avenir à partir du passé.
Se posent alors des questions essentielles pour les entreprises et pour la fonction RH : les méthodes « du passé » utilisées – et particulièrement les méthodes de recrutement – ont-elles été exemplaires ? Souhaite-t-on entrainer des IA sur cette base, et donc envisager l’avenir avec ces mêmes méthodes ?
L’humain toujours au centre
L’intelligence artificielle vise à simuler la manière d’apprendre, de réfléchir et d’interagir de l’être humain. En l’entrainant sur nos expériences passées, le risque de reproduction de biais sociaux est non seulement bien présent, mais il se doit d’être pris en compte pour essayer au maximum de ne pas reproduire les erreurs du passé.
Les applications de l’IA pour la fonction RH permettent une vraie personnalisation du talent management. Aujourd’hui peu usitée par les directions des ressources humaines, l’utilisation de l’intelligence artificielle va prendre de l’ampleur dans les prochains mois. Elle permet d’ores et déjà d’automatiser certaines tâches chronophages dans les process de recrutement, comme la rédaction d’annonces, le sourcing de candidats et l’analyse des candidatures.
La rapidité de développement de la technologie permet de prédire que d’ici quelques mois, une IA pourra :
- Créer des tests de compétences adaptés à la volée, rendant progressivement obsolètes les bibliothèques de tests,
- Créer des contenus de formation ad hoc, avec un type d’apprentissage et des sujets personnalisés et adaptés à chaque collaborateur, mettant fin aux LMS,
- Identifier des candidats potentiels avant même que ceux-ci ne postulent ou s’annoncent comme open to work, grâce à une IA qui sera capable, à terme, d’analyser et prédire les comportements humains avant nous,
- Vérifier l’adéquation entre les valeurs d’un candidat et la culture d’une entreprise, en screenant l’ensemble des informations d’un candidat présentes en ligne, sur ses réseaux sociaux par exemple.
De nouveaux enjeux pour les DRH
Au-delà de ces exemples, l’intelligence artificielle peut aujourd’hui analyser tout type de contenu, comprendre les intentions des humains et reproduire des comportements empathiques. Mieux (ou pire) encore, elle est désormais capable de battre 94% des humains à des tests d’intelligence émotionnelle.
Face à cette IA qui évolue à la vitesse grand V, polyvalente et multi spécialiste, les enjeux des directions des ressources humaines ne résident plus seulement dans la maitrise de cette technologie ou dans la formation des équipes – ce qui peut aisément être mis en place – mais dans la formation des individus à redévelopper leur esprit critique et leur créativité afin d’apprendre à travailler en bonne intelligence avec l’IA.
Il s’agit une nouvelle fois de remettre l’humain au centre.
Alix Kaiser, Directrice Upward HR
« Nous observons encore peu d’utilisation de l’IA chez nos clients. Elle permet un certain gain de temps sur les tâches chronophages comme le screening de CV, mais n’a pas encore la même finesse de lecture qu’un professionnel qui lui, sait voir l’information derrière l’information lors de la lecture d’une candidature. »
Réalité virtuelle
Une tendance à anticiper rapidement
Cette technologie qui vise à immerger un être humain dans un environnement entièrement ou partiellement virtuel s’annonce comme une tendance majeure dans les années à venir. Elle pourrait même prendre une ampleur largement supérieure à celle de l’IA ! En 2021, Meta (ex Facebook) lançait en grande pompe son metavers. L’accueil par le public a été plutôt mitigé. L’ambition de Meta a été mal comprise à l’époque : le géant américain souhaitait monétiser cet environnement virtuel en y créant une économie, un lieu alternatif où l’on passe du temps et dans lequel on dépense de l’argent. C’est le principe de virtualisation, c’est-à-dire l’augmentation des usages dans des espaces virtuels.
On estime à plus de 200 milliards de dollars les investissements à venir dans le développement de la réalité virtuelle ces prochaines années. A titre de comparaison, les investissements en R&D pour créer l’iPhone ont représenté 2 milliards de dollars.
Car si l’on a pu être témoins d’essais d’utilisation de la réalité virtuelle par certaines entreprises dans des pratiques RH – Carrefour notamment avait fait une tentative de recrutement dans le metavers peu convaincante – la technologie va largement s’améliorer dans les prochaines années. Le développement des casques de réalité virtuelle par les GAFAM sont une des étapes de la démocratisation de la virtualisation.
Cette technologie, qui était jusqu’à présent réservée à certaines entreprises industrielles dans le cadre de formation en simulateurs par exemple, va se démocratiser et devenir peu à peu accessible à un bien plus grand nombre d’organisations.
Ainsi, on peut imaginer que d’ici quelques années, une entreprise pourra par exemple préparer une salle d’entretien virtuelle, créer l’avatar d’un de ses recruteurs, et laisser la main à la réalité virtuelle alliée à l’IA pour faire passer les entretiens aux candidats. Reste à savoir si les candidats, et particulièrement ceux de la jeune génération qui fait souvent preuve de défiance envers l’entreprise, accepteront une offre d’embauche après des process réalisés virtuellement, en ayant rencontré uniquement des avatars…
Jérémy Lamri, Co-fondateur Le Lab RH & CEO de Tomorrow Theory
« La réalité virtuelle permettra une immersion, une interactivité et de nous rencontrer dans un monde virtuel. Si cette pratique va se démocratiser, nous assisterons à une forte résistance aux usages : beaucoup d’entre nous ne veulent pas se désancrer de la réalité. Souhaitons-nous réellement aller nous amuser dans un monde virtuel alors qu’on fait face à une réalité difficile ? »
Blockchain
Aller encore plus loin : la blockchain appliquée à la fonction RH
S’il est une technologie qu’aucune DRH ou presque ne voit arriver mais qui va pourtant devenir un sujet fondamental d’ici la fin de la décennie, c’est bien la blockchain. Encore difficile à comprendre et appréhender, la blockchain est une technologie qui permet de stocker et transmettre de l’information de manière sécurisée, centralisée et transparente.
Si l’un des premiers et principaux cas d’usage de la blockchain sont les cryptomonnaies, Bitcoin en tête, il est aujourd’hui possible de stocker n’importe quelle information dans la blockchain. On peut ainsi y stocker des documents, comme des contrats de travail ou des fiches de paie. Ainsi, l’entreprise française Archipels, commandée par le gouvernement, est l’une des premières entreprises à proposer ce service. Plus sécurisée qu’un coffre-fort matériel, la technologie de blockchain possède également l’atout non négligeable de sauvegarder des informations à vie.
En poussant l’exercice encore plus loin, on peut imaginer que demain, les entreprises et leurs collaborateurs – qui auront tous accès à la technologie de la blockchain via un portefeuille personnel (le fameux wallet des détenteurs de cryptos) – pourront y stocker … des compétences.
Vers une économie des compétences
Depuis quelques années, la fonction RH s’intéresse de plus en plus aux compétences et de moins en moins aux diplômes. On met moins l’accent sur le métier que sur les compétences liées à ce métier. Cette évolution significative préfigure de ce que l’on appelle l’économie des compétences. Demain, le travail de la fonction RH aura pour unité de mesure la compétence. Détachées des côtés purement administratifs comme la paie, les fonctions RH auront à s’assurer que l’entreprise détienne en permanence les bonnes compétences, sur les bons postes, au bon moment et au bon coût.
C’est à ce stade précis que la blockchain jouera un rôle clé, même si cela est difficilement imaginable aujourd’hui. Depuis 2016, la France stocke tous les diplômes dans la blockchain. Dans les années à venir l’ensemble des certificats, diplômes, formations et mêmes expériences seront stockés dans les portefeuilles des gens, devenant peu à peu leur CV. Dans cette nouvelle économie centralisée, les entreprises seront capables de savoir immédiatement quelles compétences chaque individu possède.
Si l’on est encore à une dizaine d’années de cette évolution, elle pose d’ores et déjà des questions, notamment sur la valeur accordée aux compétences acquises tout au long de la carrière d’un individu et sur la transaction et monétisation de celles-ci.
Et après ?
La technologie existante et future va profondément rebattre les cartes de la fonction RH dans les 10 prochaines années. Si les différentes technologies que sont l’intelligence artificielle, la réalité virtuelle et la blockchain sont toutes à des stades de maturité différents, il n’en reste pas moins certain qu’elles viendront tôt ou tard accentuer la digitalisation de la profession. La convergence de ces trois technologies créera une majeure partie du futur du travail pour les RH, qui doivent aujourd’hui penser de façon systémique.
Les machines ne remplaceront pas l’humain, qui devra cependant faire preuve d’adaptabilité et apprendre à en tirer le meilleur profit possible, tant financièrement qu’humainement. La fonction RH ne fait pas exception et gagnerait à se fédérer autour de bonnes pratiques pour se préparer rapidement à l’arrivée de ces technologies, sous peine de prendre un retard impossible à rattraper.
Le talent management, d’aujourd’hui ou de demain, demande que les entreprises dégagent du temps et bien plus de moyens pour que les directions des ressources humaines soient correctement armées face à l’ampleur de la tâche qui les attend.
Et ChatGPT dans tout ça ?
Comment s’en servir ?
Développé par la société OpenAI – cofondée en 2015 par Elon Musk et Sam Altman – et lancé en novembre 2022, ChatGPT est un robot conversationnel capable de générer du contenu à la demande. C’est ce que l’on appelle une IA générative.
ChatGPT ne répond pas à nos questions : il prédit et écrit la suite logique de ce qu’on lui demande. Il est donc indispensable de lui donner le plus d’informations possibles et d’apprendre à formuler sa pensée pour que ChatGPT continue la réflexion à notre place. C’est l’une des principales erreurs des utilisateurs de cet outil : si l’on ne formule pas correctement sa pensée, impossible d’obtenir des résultats satisfaisants. La limite de ChatGPT est humaine, et non technologique !
Faut-il regarder la capacité d’un candidat à utiliser ChatGPT ?
Oui, car apprendre et savoir l’utiliser est une preuve d’adaptabilité.
Une large majorité des étudiants l’utilisent aujourd’hui et vont donc arriver sur le marché du travail en maitrisant cette technologie. Les 35-50 ans, en deuxième partie de carrière et souvent curieux d’apprendre de nouvelles choses, ont également appris à s’en servir même si l’utilisation professionnelle est moins systématique. C’est finalement la tranche 25-35 ans qui l’utilise le moins et qui est également la plus inquiète face à la montée de l’IA, par laquelle elle se sent directement concurrencée.
Et après ?
Il est une question essentielle que les directions des ressources humaines doivent se poser concernant l’utilisation des IA génératives. Avec un ChatGPT qui peut réaliser en 40 minutes ce qu’un cadre junior met une semaine à produire, quel avenir pour la valeur travail ?
Les DRH vont devoir trouver le juste équilibre entre productivité et maturité professionnelle, un cadre junior utilisant ChatGPT pour produire plus prenant le risque de passer à côté de sa montée en compétences et en maturité. Si l’on effectue son travail d’une semaine en 40 minutes, que faire le reste du temps ? Il sera indispensable dans les prochains mois de repenser les métiers et la valeur travail, sous le prisme d’une montée en puissance de l’utilisation de l’IA par la quasi-totalité des métiers.