Recrutement : les entreprises (re)devenues trop exigeantes ?

Commençons par un peu de contexte : selon la Banque de France, 41 % des entreprises en France ont déclaré rencontrer des difficultés à recruter en janvier 2024, alors que le pays compte plus de 5 millions de chômeurs. Au-delà des chiffres, les professionnels du recrutement constatent que les entreprises recherchent de plus en plus le candidat qui « match » parfaitement avec leurs attentes. Les salariés restent de moins en moins longtemps en poste et n’hésitent plus à démissionner au bout de deux ans pour aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. De plus, les difficultés à recruter pendant la période 2021-2022 ont été telles que les entreprises ont augmenté d’environ 15 % le budget alloué à leurs recrutements. Cette guerre des talents effrénée a impacté de façon négative un certain nombre d’entreprises, qui ont dû essuyer les plâtres de mauvais recrutements réalisés lors de cette période débridée.

Mais aujourd’hui, le marché se détend. Les offres d’emploi des cadres ont chuté de 21 % en 2023. Conséquence ? Les employeurs ont davantage de choix, sont moins enclins à recruter des collaborateurs qu’il faut former (formation qui a un coût, qui ne sera pas rentabilisé si le collaborateur file à la concurrence au bout d’un an…) et assument totalement leurs critères de recrutement : elles veulent l’oiseau rare.

S’engage alors une recherche du collaborateur parfait pour éviter au maximum le coût d’un mauvais recrutement – estimé entre 20 000 et 200 000 euros en fonction du profil –  avec une augmentation parfois démesurée des critères de recherches de la part des entreprises :

• Elles veulent des profils plug and play, opérationnels immédiatement, car elles attendent des résultats à court terme.
• Elles sont catégoriques et imperturbables sur leurs critères de recherche : impossible pour les conseils externes (recruteurs et chasseurs) de les raisonner et de leur faire accepter des concessions.
• Elles établissent des listes interminables de critères pour une seule offre : Bac +5, Top 10 école de commerce, sens du business, maîtrise de trois langues, compétences interpersonnelles, management d’équipe, capacités rédactionnelles, connaissance des marchés européens…
• …et demandent paradoxalement aux candidats d’être hyperspécialisés : connaissance d’un langage de programmation ou d’un logiciel précis, connaissance pointue d’un marché ultra spécifique.
• Elles ne craignent plus de prendre leur temps pour recruter, voire de ne pas recruter du tout si le profil parfait ne se présente pas !

Le marché du recrutement ne s’est pas encore totalement retourné en faveur des entreprises, mais les perspectives d’embauches de cadres sont moins optimistes pour 2024 que ces dernières années. Alors que le nombre d’embauches a augmenté de plus de 7% en 2023, l’APEC anticipe une hausse de moins de 2% pour 2024. Il est donc fort probable que les entreprises restent exigeantes sur les candidats qu’elles recrutent au cours des prochains mois, qui doivent donc d’ores et déjà anticiper que le tapis rouge leur sera un peu moins déroulé…

Outre l’hyperspécialisation mentionnée plus haut, les candidats ont tout intérêt à développer et faire jouer leur réseau s’ils veulent changer de poste au cours des prochains mois. C’est en effet une porte d’entrée facilitée dans les entreprises, qui ont tendance à être plus souples dans leurs recrutements lorsqu’un candidat est conseillé, voire carrément coopté !