Le Management des Millennials
Voici notre regard sur le positionnement que peuvent adopter managers et Millennials pour que la collaboration soit la plus fructueuse et épanouissante possible.
Quelles sont les particularités des cadres de la génération Y ? Comment leur époque a-t-elle façonné leur rapport au travail ?
Les professionnels de la génération Y, aujourd’hui âgés pour la plupart de 25 à 35 ans, sont souvent dépeints comme ayant un rapport à la fois plus distant et plus exigeant avec le monde de l’entreprise que leurs ainés : l’illustration la plus frappante étant leur facilité à quitter un poste ou une entreprise, là où leur prédécesseurs semblaient privilégier la sécurité de l’emploi et un plan de carrière sur le long terme. Ce goût du risque et de la revendication leur a forgé une réputation parfois peu flatteuse dans le monde du travail : notamment celle d’être impatients, indisciplinés, voire capricieux. Pour aller au-delà des clichés, et comprendre les tendances à l’œuvre dans ces préférences, il faut notamment se pencher sur le contexte socio-économique dans lequel ils ont grandi.
D’abord, les professionnels de la génération Y ont vu leurs parents soumis aux aléas des crises économiques, à l’explosion des chiffres du chômage et parfois à la nécessité de rester dans un emploi peu épanouissant. Ce contexte a pu générer chez eux une difficulté à se projeter et un rapport plus indépendant, voire méfiant, avec l’entreprise. Ils sont plus enclins à compter sur eux-mêmes, à prendre des risques et notamment à entreprendre pour être maître de leur propre épanouissement professionnel et de l’impact qu’ils souhaitent avoir. Selon une étude réalisée par l’institut YouGov (i) en 2017, 46% d’entre eux seraient prêts à travailler à leur compte ou créer leur propre entreprise.
[i] Etude réalisée par l’institut YouGov pour Monster (monde du travail : tout comprendre sur la génération Y)
Par ailleurs, si l’on fait partie de la génération Y, cela signifie que l’on a grandi avec l’émergence de nouvelles technologies qui ont profondément modifié notre quotidien et notre rapport au temps. En conséquence, l’instantanéité est presque devenue une habitude, ce qui peut créer une frustration – même inconsciente – dans plusieurs domaines de la vie personnelle comme professionnelle. Ainsi certains vont être à la recherche d’un épanouissement professionnel quasi immédiat, ce qui peut surprendre d’autres générations, plus habituées à gravir les échelons méthodiquement et progressivement.
Enfin, cette génération a également grandi dans un climat de prise de conscience généralisée de l’impact de l’Homme et des entreprises sur les ressources naturelles et humaines. La question du sens et de l’impact et des valeurs est devenue centrale, au point de parfois prendre le pas sur celle de la réussite économique.
Leurs convictions d'après l’étude de Deloitte (2016)
Ces trois éléments – incertitude économique, culture de l’immédiateté et prise de conscience environnementale et sociale – ont contribué à façonner une certaine urgence d’agir chez cette génération, qui la rend souvent impatiente. Pour autant si elle semble exigeante, la génération Y ne se refuse pas à toute forme de sacrifice.
Quality first
Ces profils semblent d’ailleurs plus enclins à faire des concessions sur le salaire (c’est le cas de 27% d’entre eux d’après l’étude YouGov [i]) au profit d’un meilleure équilibre vie privé / vie professionnelle et d’un travail davantage en accord avec leurs valeurs. Des priorités qui sont de plus en plus revendiquées, mais qui finalement ne différeraient pas tant que ça des attentes des générations précédentes. Selon une étude d’IBM relayée par un article Harvard Business Review publié en 2016 [ii], sensiblement le même pourcentage de millennials (25%) souhaite avoir un impact positif sur leur organisation et sur le monde, que la génération X (21%) et les baby-boomers (23%). Toutes les autres variables analysées dans l’étude montraient les mêmes similitudes entre générations.
[i] Article l’ADN de 2017 qui cite l’étude YouGov
[ii] Article Harvard Business Review
Finalement, si les attentes liées au monde professionnel diffèrent peu d’une génération à l’autre, ce qui caractériserait les millennials c’est bien leur impatience face à la réalisation de ces attentes et leur facilité à aller chercher un épanouissement professionnel ailleurs, que ce soit dans une autre organisation ou dans l’entrepreneuriat.
Quels positionnements adopter pour répondre à ces évolutions ?
Dans ce contexte, un travail d’écoute et de pédagogie des managers pour expliquer les contraintes inhérentes au monde économique est critique pour permettre aux millennials d’appréhender les enjeux d’un poste ou de taches dans leur globalité. Les sensibiliser sur les bénéfices que peuvent représenter un investissement sur le long-terme pour leur développement professionnel est sans doute également une nécessité.
- Le positionnement des managers face à cette génération
Pour Nathalie Cruz [i], manager travaillant chez LinkedIn et manageant des millennials au quotidien, l’enjeu principal est de se focaliser sur l’écoute, le suivi et la pédagogie. Son premier constat : les millennials s’interrogent régulièrement sur le sens de leur travail, leur possibilité d’évolution, et leur sentiment d’appartenance à l’organisation. Pour les rassurer sur ces questions tout en leur donnant un cadre structurant, il est important de les écouter et leur rappeler régulièrement quel est l’impact de leur poste. Au-delà de l’écoute active, établir des plans d’actions et clarifier les objectifs permettra d’inciter à ne pas brûler les étapes. Le manager est là pour structurer la montée en compétences et prioriser les tâches. C’est en donnant ce cadre et une direction claire qu’il pourra faciliter l’acceptation d’étapes intermédiaires auprès des millennials.
Pour Tristan Desplechin, qui a managé des millennials au sein d’un grand groupe puis d’une start-up et est lui-même issu de la génération Y, il est important de faire une distinction au sein même des millennials, entre la génération des pré-1990 et post-1990. Les « pré-90 » ont connu la crise de 2008 à la sortie de leurs études, ce qui leur a conféré une certaine appréhension et une humilité face au marché de l’emploi, que l’on retrouve moins chez les post-90, plus habitués à choisir, et moins attirés par les parcours linéaires. Ils ont en commun d’avoir évolué dans une société qui valorise la prise de risque, l’accomplissement de soi et la croyance que « tout est possible » incarné par des nombreux modèles de réussites, davantage médiatisés et auxquels on peut plus facilement s’identifier. En revanche, ce qui distingue ces deux catégories, c’est leur assurance. Les post-90 semblent avoir beaucoup moins de problèmes à assumer leurs ambitions avec confiance, parfois de manière maladroite, parfois de manière courageuse. En tant que manager, les difficultés rencontrées pour manager ces profils impliquent une stimulation régulière car ils ont tendance à vite s’ennuyer. Ils sont particulièrement friands de missions qui les exposent, qui les font briller et réticents à l’idée de réaliser des tâches ingrates. Ils ont moins ce sens du devoir, l’évidence qu’il faut en passer par là. C’est là où le manager a aussi un rôle d’encadrant et de poseur de limites. Il doit permettre aux millennials de leur faire prendre conscience des enjeux du manager et du contexte de l’entreprise, quitte à recadrer ses envies de changements pour les ancrer davantage dans la réalité.
- Le positionnement des millennials face aux managers
De leur côté, les millennials qui intègrent le monde professionnel gagneront à considérer un poste et ses évolutions possibles dans leur globalité, et ainsi apprendre à gérer les frustrations liées à l’insatisfaction de leurs attentes sur le court terme. Ils auront intérêt à privilégier les échanges transparents avec leurs managers pour comprendre ses enjeux à lui et la réalité de l’entreprise, ce qui leur permettra d’être force de proposition tout en prenant compte des contraintes de l’existant.
Cependant, proposer un cadre structurant et poser des limites réalistes ne doit pas empêcher l’entreprise de saisir les opportunités que représente un management flexible et bienveillant pour l’ensemble des générations.
[i] Extrait d’une interview réalisée par la CHRO et head of talent acquisition chez Linkedin sur le management des millennials.
Quels leviers managériaux activer pour favoriser la rétention des talents dans un contexte de forte mobilité professionnelle ?
Du côté de l’entreprise, la fin d’une forme d’attentisme ou de passivité face au jeu classique de l’entreprise peut représenter une opportunité. D’une part, la volonté de retenir les hauts potentiels pousse les entreprises à développer des pratiques qui mettent le sens, la flexibilité et l’écoute au centre des pratiques, ce qui porte bénéfice à toutes les générations. D’autre part, les entreprises peuvent bénéficier du coté couteau suisse de millennials dont la mobilité a permis de se familiariser avec plusieurs environnements et d’en faire des profils particulièrement adaptables.
/ 01 Faire du relationnel une priorité
La génération Y est davantage fidèle aux personnes qu’aux marques. Construire une relation professionnelle basée sur la confiance et la transparence permettra de faciliter la communication et de leur montrer que leur développement professionnel est une priorité, ce qui constitue un excellent moyen de les fidéliser.
/ 02 Donner de nouveaux challenges régulièrement
Pour éviter que l’ennui ne s’installe, il est important de continuer à proposer de nouveaux challenges, des opportunités de grandir dans l’organisation, de continuer à apprendre et à se former. Mettre l’accent sur leur formation est un signal important pour cette génération.
/ 03 Encourager la flexibilité
Cette tendance ne doit pas empêcher de mettre un cadre, souvent apprécié par les millennials. Mais la flexibilité est une priorité pour cette génération : autoriser le télétravail en cas d’impossibilité de se rendre sur son lieu de travail, permettre un aménagement des horaires en cas de nécessité, sans que l’employé se sente coupable. Il s’agit beaucoup de culture, et de normes implicites. C’est souvent au manager de proximité de faire passer le message que la flexibilité n’est pas un problème tant que les résultats et l’engagement sont là.
/ 04 Faire des feedbacks réguliers
Faire des feebacks, qu’ils soient positifs ou négatifs, tant qu’ils sont constructifs, rassure que le fait que son travail compte et est utile. Cela permet de se projeter lorsque l’on a une marge de progression possible, et de renforcer son sentiment d’appartenance lorsque son travail est valorisé au sein de l’organisation.
/ 05 Accueillir leurs idées
Les millennials ont tendance à challenger le statut quo. Ecouter leurs idées pour améliorer l’organisation peut permettre d’introduire des nouvelles perspectives, un regard neuf et constituer une vraie opportunité d’innovation. Même si leurs idées ne peuvent pas être mises en place, savoir que leurs ambitions comptent et sont entendues est une vraie source de motivation.
/ 06 Mettre les valeurs au cœur des missions
Les millennials sont extrêmement sensibles aux valeurs véhiculées par l’entreprise et à l’impact de leur travail, il est donc important de communiquer régulièrement sur les valeurs de l’entreprise et comment elles se traduisent dans les missions quotidiennes. Il est intéressant également de laisser un espace où peuvent s’exprimer les valeurs personnelles des employés, dans un projet annexe par exemple.
/ 07 Adopter un rôle de coach
Avoir un rôle de mentor en tant que manager peut-être extrêmement bénéfique sur l’engagement : se sentir accompagné dans son développement professionnel et pas simplement dirigé peut faire toute la différence d’un point de vue de la rétention des talents. Les millennials ne sont pas averses à toute forme de hiérarchie mais souhaitent bénéficier d’un accompagnement personnalisé pour sentir que leur épanouissement et leur ambition comptent.
/ 08 Challenger leur conception du monde professionnel
Le manager est aussi là pour challenger la conception qu’ont les Millennials du monde professionnel, afin de les faire réfléchir sur le contexte global de l’entreprise. Il a un rôle à jouer dans la valorisation de l’existant et des modèles anciens qui ont fait leur preuve, pour faire accepter ce qui fonctionne déjà. Il est aussi là pour interroger leurs représentations sur le management et sur le rôle de chacun dans l’entreprise. Un de meilleurs moyens de renforcer leur maturité est de partager clairement ses enjeux personnels et les arbitrages que doit réaliser le manager en permanence. Le mettre à la place du manager est une nécessité.